Christine Cloarec-Le Nabour
Députée de la 5ème Circonscription d'Ille-et-Vilaine

RÉFORME DE L'AAH : POUR UNE VRAIE MESURE DE JUSTICE SOCIALE !

À l'Assemblée Nationale

Ces dernières semaines, une Proposition de loi issue de l'opposition de Gauche, a fait ressurgir le débat sur la déconjugalisation (ou individualisation) de l'AAH (Allocation Adultes Handicapés) ; C’est-à-dire la volonté de ne plus tenir compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'Allocation. Une mesure contre laquelle je me suis plusieurs fois exprimé , notamment à la tribune dans l'hémicycle le 7 mars 2019 . Cette séquence est l'occasion de rappeler les raisons de mon opposition à une telle mesure, loin de la légèreté avec laquelle le sujet peut parfois être traité, souvent à des fins d'instrumentalisation à l'approche d'élections…

L’Allocation Adultes Handicapés (AAH) est un minima social , comme il en existe d'autres dans notre pays : le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation spécifique de solidarité (ASS), l'allocation spécifique aux personnes âgées (Aspa) sont, avec l'AAH, parmi les principaux. Ces minima sociaux visent à assurer un revenu minimal à une personne (ou à sa famille) en situation de précarité . Ces prestations sont versées sans contrepartie de cotisations : L'AAH, comme les autres minima sociaux, est un élément déterminant de la solidarité nationale, ce qui justifie qu’elle soit supportée par le budget de l’Etat. Cette solidarité nationale s’appuie légitimement sur les solidarités familiales, notamment la solidarité entre époux reconnue par le droit civil .

L’AAH est conçue de façon différentielle et familiarisée ; Cela signifie qu’elle peut être cumulée avec d’autres ressources mais aussi que le plafond est majoré en fonction de la situation familiale . Contrairement aux autres minima sociaux, elle bénéficie de nombreuses règles de cumul et d’abattement favorables. Le montant de l’AAH est ainsi plus élevé que celui des autres minima sociaux (903.60€ contre 565€ pour le RSA par exemple). Par ailleurs, je rappelle que nous avons revalorisé l'AAH de façon exceptionnelle depuis 2017 : 903,60€ au 1er avril 2021 contre 810.89€ le 1er avril 2017, soit une revalorisation de 92.71€ conformément à l'engagement présidentiel que j'ai évidemment soutenu . Au total, il s’agit d’un investissement de 2 milliards d’euros sur le quinquennat. Un effort considérable, et justifié.

Comment est calculée l'AAH aujourd'hui ?

Actuellement, tout comme pour payer ses impôts, ce n'est pas l'intégralité des revenus du conjoint qui est prise en compte pour calculer le droit à l'AAH, mais seulement 80%. Cet abattement est un pourcentage automatique qui s'applique à tous de la même manière, que le foyer soit modeste ou aisé. L'abattement sur les revenus du bénéficiaire est beaucoup plus élevé et est conçu pour favoriser le cumul d'un emploi et de l'AAH. Rappelons que dans un couple, dans 35% des cas, c'est la personne en situation de handicap qui travaille.

La déconjugalisation renforcerait les inégalités et ferait de nombreux perdants :

La déconjugalisation proposée par l'opposition aurait pour effet de favoriser les couples les plus aisés qui, grâce au nouveau mode de calcul basé sur les seules ressources de la personne en situation de handicap, auraient le droit de percevoir l'AAH.

La déconjugalisation pénaliserait de nombreuses personnes, notamment celles qui touchent l’AAH tout en ayant un emploi à temps partiel avec un conjoint sans revenus, ou encore les couples qui travaillent en Esat (Établissement et Service d'Aide par le Travail)… La Drees (Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques) estime le nombre de perdants à 44.000. Alors que l'on continue de défendre l'idée que les personnes en situation de handicap doivent trouver leur place dans la société, pénaliser ces profils serait un non-sens.

Pour contrer cette conséquence de la déconjugalisation, l'opposition propose "un droit d'option permettant de maintenir la conjugalisation pour certains"… Avec un tel dispositif, nous créerions une source de complexité pour les bénéficiaires qui devront s'interroger à chaque évolution de situations familiale ; Une complexification qui va à l'encontre de la nécessaire simplification demandée par tous, et que nous avons entamée en rendant automatique le renouvellement du droit à l'AAH pour les personnes atteintes d'un handicap irréversible (auparavant, elles devaient renouveler leurs droits jusqu'à 10 fois au cours de leur vie). Enfin, où est la justice sociale lorsque l'on instaure une inégalité de traitement entre les bénéficiaires actuels et les nouveaux entrants ?

La réforme adoptée est une vraie mesure de justice sociale :

Malgré la revalorisation de l'AAH que nous avons mis en place et qui est saluée par tous, nous avons entendu le souhait d'améliorer le système. La réforme de l'AAH sur laquelle nous avons travaillé est beaucoup plus équitable que la déconjugalisation, et ne remet pas en cause notre système de protection sociale . En mettant en place un abattement fixe à 5000€ au lieu de l'abattement actuel de 20%, nous changeons la logique au bénéfice des foyers qui touchent le SMIC ou un peu plus : 60% des couples dont le bénéficiaire est inactif toucheront l'AAH à taux plein, contre 45% aujourd'hui.

Un engagement concret, rapidement opérationnel ! Ce changement de prise en compte des revenus du conjoint ne complexifie pas la tâche des Caisses d'Allocations Familiales (CAF), qui disposent d'ores et déjà d'outils pour opérer ces modifications : ces nouvelles règles s'appliqueront dès les allocations du mois de janvier 2022.

Concernant les familles : Un abattement supplémentaire par enfant est prévu afin de garantir que toutes les familles soient prises en compte . De cette façon, nous simplifions le système. Pour un abattement supplémentaire de 1100€ : Couple avec 1 enfants : 6100€/mois d'abattements, couple avec 2 enfants : 7200€/mois d'abattements… Non seulement la réforme ne fera aucun perdant, mais nous estimons à plus de 120.000 le nombre de personnes qui seront gagnantes : une vraie mesure de justice sociale.

4 exemples concrets :

Avec cette mesure, nous améliorons encore le quotidien des personnes en situation de handicap. Il nous faut poursuivre le travail, en cohérence avec la feuille de route que nous nous sommes fixés , sur l'accessibilité, sur l'aide aux aidants, sur l'accès à l'école, à la formation, à l'emploi, aux logements, aux loisirs… Il nous faut également travailler sur la PCH (Prestation de Compensation du Handicap) : versée par les départements, elle varie aujourd'hui du simple au triple selon le territoire dans lequel on vit. La volonté de déconjugalisation de l'AAH découle souvent d'une mauvaise interprétation de l'objectif de l'allocation ; Or c'est bien la PCH qui a vocation à compenser le handicap . Nous conservons notre ambition intacte : celle d'une société inclusive dans laquelle chacun doit trouver sa place. C'est un travail qui s'inscrit dans la durée, et je suis, avec la majorité, déterminée à poursuivre en ce sens.


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