PRÉSENTATION DU PLAN PAUVRETÉ.
J’ai eu l’honneur d’être invitée par le président de la République, ce jeudi 13 septembre au Musée de l’Homme, pour assister à l’annonce du Plan pauvreté. Une invitation qui fait suite au rapport que nous avons rendu avec Julien DAMON la semaine dernière , en conclusion de la mission que nous avait confiée le Premier ministre et menée durant l’été. Portant sur le versement de la « Juste prestation » , notre rapport aura permis d’enrichir et de renforcer ce plan pauvreté très attendu.
Pour rappel, la pauvreté touche près de 9 Millions de personnes en France dont 3 Millions d’enfants. Derrière ces chiffres, ne perdons pas de vue leur quotidien qui ne peut être réduit à des montants ou à des dispositifs, comme c’est aujourd’hui le cas, sans doute pour mieux s’éloigner du fait de la pauvreté ou pire, la stigmatiser. Si ce sujet majeur, de cohésion nationale, a trop souvent été repoussé jusqu’à être considéré comme un tabou, les auditions que j’ai pu tenir durant ma mission et les témoignages entendus encore ce jeudi, nous rappellent notre devoir collectif à agir pour éradiquer ce scandale de la pauvreté. Combattre cette fatalité sociale qui fait qu’aujourd’hui en France, il faudra par exemple 6 générations aux descendants d’une famille pauvre pour qu’ils accèdent à la « classe moyenne ». Oui, un scandale !
La facilité du commentaire entrainera certains à y voir un tournant social, un signal à gauche comme si le combat contre la pauvreté pouvait être réduit à une couleur politique. J’y vois pour ma part une continuité dans l’action qui est la nôtre et qui a été rappelée par le président de la République : « Une unité politique avec trois projets indissociables : le projet productif, le projet éducatif et le projet solidaire et humaniste ». Une approche globale pour construire cette société d’émancipation !
Un plan pauvreté qui s’actionne autour de deux axes :
1/ L’action dés la petite enfance et pour les jeunes :
Le combat contre cette fatalité sociale passe par la lutte contre un déterminisme qui s’opère dès l’enfance. Rappelons qu’aujourd’hui, un enfant de 4 ans né dans une famille pauvre connait deux fois moins de mots qu’un enfant du même âge issu d’une famille aisée. C’est pourquoi nous avons rendu obligatoire la scolarisation dès l’âge de 3 ans, et avons dédoublé les classes de CP et CE1 dans les zones d ‘éducation prioritaire . Des mesures, déjà votées, qui illustrent la cohérence de l’action de la majorité.
Dans le cadre de ce plan pauvreté, nous allons plus loin avec la réforme du mode de garde , pour des lieux accessibles à toutes et tous quel que soit son revenu ou son adresse. Aujourd’hui, seulement 5% des enfants de quartiers défavorisés sont en crèche (22% pour les enfants de classes aisées). Pour y remédier :
-> La formation des 600.000 professionnels de la petite enfance sera complétée et l’accompagnement amélioré , avec 100 millions d’euros qui seront débloqués pour le déploiement notamment de nouvelles méthodes d’apprentissage.
-> Les communes les plus pauvres seront aidées : L’État limitera à 10% le coût de construction de la structure qu’elles devront supporter.
Un effort sera porté pour les familles monoparentales : aujourd’hui, un tiers des parents se trouve en situation de pauvreté.
-> D’ici à 2020, les crèches à vocation d’insertion professionnelle (permettant par exemple de faire garder son enfant lors d’une formation) passeront de 40 à 300 .
-> Dés 2019, les aides de garde d’enfants seront versées immédiatement, sans avance de frais .
Mieux accompagner pour lutter contre ce déterminisme social, ça passe également par :
-> Un nouveau parcours de grossesse , qui sera créé dès le 4 ème mois, avec un accompagnement pour mieux appréhender le fait de devenir parent.
Et parce que prévenir la pauvreté, c’est protéger et garantir les droits fondamentaux des enfants que sont l’éducation, la santé, le logement et l’alimentation, ce plan s’inscrit dans une approche globale :
-> Nous rendrons plus universel l’accès à la cantine avec des repas à 1€
-> Nous développerons et adapterons les solutions d’hébergement des familles à hauteur de 7500 sur le quinquennat.
Plus qu’une accumulation de mesures, un plan ciblé, large, qui met des réponses sur des constats qu’il ne suffit plus d’énumérer.
La pauvreté touche aussi notre jeunesse. En France, aujourd’hui, 20% des jeunes sont pauvres et 60.000 d’entre-eux sortent des « radars ». Pour mieux accompagner cette jeunesse, des mesures fortes :
-> Obligation de formation jusqu’à 18 ans dès la rentrée 2020.
-> Le repérage et le suivi des décrocheurs scolaires par l’éducation nationale se fera désormais en continu.
-> Une prise de contact systématique de ces décrocheurs par les missions locales , avec une convocation et une obligation pour les missions locales de proposer une solution.
Là encore, comme pour la petite enfance, il s’agit d’une continuité d’action pour notre jeunesse. La société d’émancipation que nous construisons est une réponse à la pauvreté elle même, sans la réduire à des statistiques. Cette société passe par la justice, par le mérite, et c’est tout le sens de parcoursup , remplaçant d’APB qui voyait l’avenir d’une partie de notre jeunesse tirée au sort. Ce logiciel, plus juste, plus transparent, permet également de mieux identifier. Il nous faut aller plus loin, c’est pourquoi des solutions seront massivement développées dans le cadre de ce plan pauvreté:
-> Augmentation des propositions de scolarisation dans les écoles de la 2 ème chance
-> Développement de formations dans le cadre du « plan investissement – compétences »
-> Extension garantie jeunes à 500.000 nouveaux jeunes (100.000 aujourd’hui), ce qui revient à généraliser la garantie jeune (350 Millions d’euros).
Enfin, pour ce qui est de ce premier pilier sur lequel repose ces propositions pour notre jeunesse, des mesures audacieuses sur l’orientation. Il nous faut déconstruire certaines représentations collectives. Songeons que l’apprentissage, sur lequel je me suis engagé avec d’autres députés LaREM et qui a fait l’objet d’ateliers avec des acteurs de la circonscription , rencontre une augmentation des demandes de 40% en cette rentrée 2018. Le même volontarisme est affiché pour une meilleure orientation :
-> Avec un investissement dans la formation de celles et ceux qui sont en charge de l’orientation
-> Remettre l’orientation au cœur de l’école, dès la fin du collège, en développant massivement le stage en entreprise, et en permettant aux filières de venir expliquer le(s) métier(s) dans l’école.
Sécuriser l’entrée dans la vie des jeunes les plus vulnérables constitue également un enjeu fort dans la lutte contre la pauvreté :
-> Création d’une obligation, pour l’aide sociale à l’enfance, de trouver une solution de logement, de formation, d’emploi, avec une prise en charge obligatoire jusqu’à 21ans (au lieu de 18 actuellement).
Autant de mesures qui répondent enfin aux enjeux, attaquant ce scandale de la pauvreté à la racine !
2/ Mieux accompagner pour sortir de la pauvreté :
« Il nous faut inventer l’État providence du XXIème siècle ». C’est une véritable prise de conscience collective, unanime, qui est ressortie des auditions que nous avons menées avec Julien DAMON, dans le cadre de notre mission sur le versement de la « Juste prestation ». Par ses mesures concrètes en partie présentes dans notre rapport, ce plan pauvreté fait toute sa place à l’émancipation par le travail.
Comme a pu le rappeler le président de la République, retrouver le chemin du travail, c’est saisir une nouvelle chance. Le travail procure un salaire, ouvre les portes d’une vie sociale plus dense, plus riche, donne une fierté, une place dans la société. Il permet l’émancipation et la mobilité sociale, véritables armes contre ce déterminisme contre lequel il nous fallait enfin lutter.
Des initiatives ont vu le jour. Elles se nomment « Territoires zéro chômeurs longue durée », « Convergences », « tapage »… Elles fonctionnent car elles ont su remettre le temps comme l’accompagnement au cœur de leurs démarches, et supprimer les barrières.
-> Ce plan pauvreté prévoit de soutenir ces initiatives et de doubler le nombre de personnes bénéficiaires en permettant de multiplier les territoires d’expérimentation.
La volonté d’accompagner, elle aussi, s’appuie sur un constat profond que nous avons pu soulever lors de notre mission avec Julien DAMON. Notre système doit accompagner le retour vers l’emploi. Aujourd’hui en France, seulement 9% des allocataires du RSA trouvent un emploi dans l’année. 40% des bénéficiaires sont au RSA depuis 5ans. Les dépenses pour le RSA ont augmenté de 80% quand, dans le même temps, les dépenses d’insertion baissaient de moitié. Faire plus pour ceux qui ont moins, ce n’est pas leur permettre de mieux vivre dans la pauvreté. C’est leur donner la possibilité d’en sortir !
Pour se donner les moyens de ce combat neuf, d’éradication de la pauvreté, deux transformations profondes :
- Création d’un service public de l'insertion :
-> Sera créé le service public de l’insertion, de l’emploi et de l’activité. Piloté et financé par l’État qui est le garant des droits donc de l’universalité, il sera géré par le département qui est l’échelle pertinente pour accompagner, au plus près des besoins.
Parce que la différence de destin selon le lieu où l’on vit ne peut-être une conception de la République, nous allons avec ce service public de l’insertion, construire l’universalité avec une action déployée sur tout le territoire. L’État reviendra aux cotés des départements, des communes, des associations pour le construire, avec une gouvernance unique partagée. Il sera discuté dés le premier trimestre 2019 et fera l’objet d’une loi en 2020.
Cette mesure qui peut-être qualifiée de révolution, demande un temps de mise en place non négligeable qui vient s’opposer à l’urgence de la situation.
-> C’est pourquoi, dès le 1 er janvier 2019, de nouvelles contractualisations verront le jour , avec une aide financière aux départements qui s’inscrivent dans cette nouvelle démarche d’insertion, et des sanctions pour ceux qui n’auront pas investi cette politique. Celle-ci préfigurera ce que devra-t-être le service public de l’insertion, avec des engagements forts :
-> Chaque bénéficiaire du RSA devra se voir proposer un rendez-vous dans le premier mois après son inscription.
-> Il signera un contrat avec un engagement réciproque
-> Il se verra proposer un lieu unique où les différents acteurs seront présents
Pour mieux accompagner, ce plan pauvreté ambitieux reprend des mesures précises du rapport que nous avons remis avec Julien DAMON. Il prévoit notamment la reconnaissance des métiers d’accompagnement, d’aides, de soins.
-> Le nombre de contrats d’insertion par l’activité économique sera porté à 240.000 au lieu de 100.000 aujourd’hui.
-> 500 Millions d’euros seront débloqués pour permettre un accompagnement individualisé.
- Création d’un revenu universel d’activité :
Il nous faut rénover notre système de minimas sociaux. Les constats sont connus et étaient à la base du travail de réflexion que nous avait confié le Premier ministre avec la mission sur le versement de la « Juste prestation ». Le maquis des minimas sociaux ne permet pas de sortir de la pauvreté ; Il entraine perte de confiance voire défiance envers notre système. Pire, sa complexité aboutit à un taux de non recours qui atteindrait par exemple 30% pour le RSA, ou encore 50 à 65% pour l’Aide au paiement d’une Complémentaire Santé (ACS)... Comme préconisé dans notre rapport à Edouard PHILIPPE, il faut le simplifier, le rendre plus lisible, plus efficace, plus réactif en l’adaptant à la situation de la personne au moment du versement de la prestation.
-> La création du revenu universel d’activité répond à ces exigences. Il devra fusionner le plus grand nombre possible de prestations sociales, garantir un socle minimal de dignité qui devra être défini . Équitable et transparent, il sera notamment une réponse au non-recours, mais également aux indus, et permettra un parcours de responsabilités vers une émancipation avec des droits et des devoirs. Il fera l’objet d’une loi pour une application en 2020.
Enfin, et c’était aussi une préconisation du rapport rédigé avec Julien DAMON, il est nécessaire d’évaluer, et l’efficacité de notre politique, et sa qualité par les bénéficiaires eux mêmes.
-> Sera mise en place une évaluation rigoureuse et collective notamment par les personnes pauvres, avec dés à présent, un dispositif de suivi et d’évaluation et une réunion tous les 6 mois avec les acteurs de notre politique sociale.
Comme l’a rappelé le président de la République, ce combat, en 2018, est un combat neuf. Il a pour objectif d’éradiquer la pauvreté. Si c’est une ambition que personne n’avait jusqu’alors osé porter, elle répond à des quotidiens qui attendent autre chose de l’État que des moyens leurs permettant de mieux vivre dans la pauvreté. Ce plan, salué pour l’ambition qu’il porte comme pour les moyens qu’il nécéssite, n’est effectivement pas un plan de charité. Il est un plan qui redonne sa place à chacun, par l’émancipation, par la responsabilisation collective. Il est un plan qui valorise l’homme, le replaçant au cœur de notre politique sociale, qu’il soit accompagnant ou bénéficiaire. Il offre à la société, et c’est peut-être le moins concret mais le plus essentiel, la possibilité d’appréhender la pauvreté avec un autre regard. C’est avec honneur que j’aurais, avec Julien DAMON, mais aussi Claire PITOLLAT et Mathieu KLEIN (co-rapporteurs du rapport sur les bénéficiaires du RSA), contribué à ce plan ambitieux. C’est avec fierté et exigence que j’en contrôlerai la mise en œuvre en ma qualité de députée. J’aurais été heureuse d’associer la cinquième circonscription d’Ille-et-Vilaine à ce qui restera, j’en suis convaincu, un marqueur de ce quinquennat. Les annonces, issues de nombreuses consultations et concertations, doivent désormais laisser place à la construction collective de cet État providence du XXIème siècle… Agissons, ensemble !